Miryam

Être (sage) femme en temps de Covid

Dès mes premières gardes en maternité, j’ai pu apprécier les effets de la pandémie avec un autre éclairage que celui de mon quotidien de maman. Si en maternité nous sommes un service relativement peu exposé à la Covid, il y a tout de même un certain retentissement.

En salle d’accouchement, mes patientes réalisent combien elles sont privilégiées de pouvoir être accompagnées par leur conjoint pour donner naissance à leur enfant. Lors du premier confinement de mars 2020, les papas étaient « persona non grata » en maternité. Dans certaines maternité de France c’est encore le cas actuellement. Alors que les études démontrent qu’il y moins de complications chez les patientes soutenues par une tierce personne pendant le travail et l’accouchement, la Covid a fait changer les priorités.
Les conjoints sont donc de nouveau acceptés sous condition : sans symptôme et affublés d’un sac poubelle bleu en guise de blouse, d’une charlotte et d’un masque.

On compare souvent l’accouchement à un marathon : endurance, phase de désespérance, sprint final… Même en temps de Covid, on tombe le masque pour faire du sport. Mais, en salle d’accouchement, c’est plus compliqué…
« J’ai acheté des masques FFP2, me dit un papa sur un ton suppliant, je vous les donne volontiers pour que ma femme puisse enlever le sien au moment de la poussée ». Heureusement, nous avons une réserve de masques de catégorie 2 réservés à cet effet !
Cela me fait mal au cœur d’imaginer ces femmes se préparant au moment de la naissance avec tant d’appréhension : mon mari pourra-t-il venir, et s’il a le rhume, devrais-je porter un masque pour pousser, est ce que je pourrais marcher dans les escaliers, sortir prendre l’air en attendant que le travail démarre…?

Affiche d’information – ordre des sages-femmes

Au service de suites de couches, ce sont les mêmes questionnements.
Les babyblues sont plus marqués parce que les ainés – interdits de visite – manquent à leur maman. Les papas, qui n’ont le droit qu’à une entrée par jour, jonglent entre les enfants à la maison, le travail, la maternité. Les patientes décident de plus en plus de sortir plus précocement, voire contre-avis médical, parce qu’elles se sentent enfermées et isolées.

En décembre sont nés les enfants conçus pendant le premier confinement.
Parmi mes patientes, il y a celles qui assument : « la Covid, le confinement, ça nous a fait reconsidérer les choses, notre famille, nos priorités… »
Il y a celles qui s’en défendent : « N’allez pas penser, comme nos amis, que c’est un « bébé-confinement », il était souhaité de longues dates ! »
et il y a celles qui n’avaient pas prévu les choses comme ça : « avec le confinement, c’était compliqué, j’appréhendais de voir un médecin, j’ai retardé le renouvellement de ma contraception et je suis tombée enceinte ».

De l’autre côté de la barrière, côté blouse blanche mauve, j’observe ce que la Covid a changé.
Nos questions se transforment, passant de la sphère gynéco à la sphère ORL – idem pour nos prélèvements… Les « vous avez des contractions ? » deviennent « vous avez le nez qui coule, de la fièvre, vous toussez ? »
Équipée comme une astronaute, je réalise les tests Covid des patientes entrant au service : l’habillage étant la phase la plus complexe du processus 🙂

Même dans ces conditions un peu particulières, je suis ravie de retrouver mon métier et de replonger dans l’univers des femmes avec ses joies et ses complexités. Pour le moment, j’ai renouvelé mon contrat jusqu’en mars et j’espère qu’il pourra être prolongé au-delà. Affaire à suivre…

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