Miryam

Vous avez dit sage ?

Quand j’ai décidé d’être sage-femme, personne ne m’a demandé si j’étais sage. J’ai (globalement) la réputation de l’être – sage comme une image – ce que j’essaie tant bien que mal de préserver, au moins en apparence.
A cette même époque, je n’ai pas passé de test de sagesse – à moins que l’on considère le concours d’entrée en médecine comme une certification de ce don.

De fil en aiguille ou plutôt de garde nuit en garde jour, j’ai compris que ce métier, d’apparence bien rangé, était, en fait, un métier de fou : naissance inopinée, césarienne, réanimation, code rouge, prématurité… de quoi me faire courir pendant les 12 heures de garde.
Mais le métier de sage-femme, c’est avant tout une porte qui s’ouvre sur l’intimité plus ou moins paisibles des femmes, des couples et des familles. Peut-être faut-il aussi un grain de folie pour pouvoir articuler ces milles et une histoires de vie et arriver, le soir en rentrant, à vivre dans son quotidien sereinement ?

Fresque peinte sur les murs de la maternité

J’ai fait la connaissance de ce métier, bien des années avant d’avoir à choisir une profession. Au cœur d’un petit village du Tchad, grâce au travail de maman parmi les familles, j’ai découvert la vie des femmes, une naissance après l’autre, entre vie et deuil.
Puis, j’ai entrevu de loin le travail d’une sage-femme suisse installée dans un village de brousse. Elle offrait aux femmes la possibilité d’accoucher dans un environnement plus sécurisé.

Les années ont passées et les souvenirs se sont (presque) effacés. Avec un bac littéraire en poche, je me préparais plus à des études de lettres qu’à l’école de sages-femmes. Pourtant, ce métier qui allie compétence relationnelle, réflexion éthique et travail des mains, s’est à nouveau imposé à moi à la fin de lycée.

Au delà de mes mains qui s’ouvrent, mes mots accueillent eux aussi, celles et ceux qui attendent leur bébé, celles et ceux qui pleurent, celles et ceux qui se réjouissent, celles et ceux qui eux n’ont plus les mots pour dire.
De mains en mains et de mots en mots, les liens se tissent et certains perdurent encore malgré le temps qui passe.

J’ai exercé en hospitalier dans un premier temps : un travail intense mais agréable avec une équipe dynamique et soudée. Le rythme était soutenu mais m’a permis d’exercer beaucoup d’activités diverses (consultation, échographie, salle de naissance, service de suite de couches, accompagnement de l’allaitement, pédiatrie, suivi des grossesses pathologiques…).

Assez rapidement, j’ai opté pour une installation en libéral pour proposer un accompagnement plus personnalisé aux couples et aux familles, naissances comprises (avec de l’accompagnement global).
Ce type d’exercice m’a donné beaucoup de joie et de surprise. Avec des journées et des nuits interrompues par des coups de téléphone :
– Allo, Miryam ? C’est Pierre. Je pense que c’est le jour J.
– Comment va Charlotte ?
– Elle a mal depuis une petite heure, mais là les contractions se font plus rapides. On dépose les grandes chez mes parents et on file à la maternité.
-Elle a perdu les eaux ?
La conversation se termine alors que je démarre ma voiture pour les rejoindre à la maternité.

Ces naissances ont été comme un temps hors du temps, un moment juste à 4 – elles, eux, leurs bébés à naître et moi. Une parenthèse extraordinaire dans l’ordinaire du quotidien.

Cette expérience libérale, qui me permettait de suivre les familles pendant plus d’un an, du début de la grossesse au premier anniversaire de l’enfant, m’a donné envie de faire connaître ce mode d’exercice et ce vécu. J’ai eu l’opportunité de participer au début de l’expérimentation des maisons de naissance et de voir naître Manala, la maison de naissance alsacienne.
C’est dans ce cadre cocon qu’est né notre deuxième : une belle expérience pour toute la famille !

Manala – Maison de naissance en Alsace

Avec l’arrivée des enfants, j’ai mis, comme je le disais, mon métier entre parenthèse pour un temps. Mais au fond de sage-femme en maman, il n’y qu’un pas, qui me permet de mettre un grain de sagesse ou folie dans notre vie de famille.

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